Le C.I.L. se réjouit que le Synode ait mis en évidence la nécessité et l’urgence de profondes réformes. Dans notre pays, une grande majorité de catholiques considèrent que s’opposer à des réformes substantielles ôterait son sens à la démarche synodale. Cela ruinerait l’espérance qu’elle a fait naître. IL faut que l’Église procède à de véritables évolutions quant à la manière de décider, d’organiser et d’animer la vie ecclésiale. À ce jour, peu de progrès ont été réalisés au sein de l’Église en termes de coresponsabilité. Des réformes urgentes s’imposent : la récente nomination au Vatican de femmes au sein des dicastères est un pas dans la bonne direction. Tout récemment, en Belgique, la nomination de laïques à des postes-clés de responsabilité est un réel signe d’ouverture.

  • À première vue, le ‘Projet de Texte’ des évêques peut paraître vague et manquer de concret. 
  • La démarche est bonne mais ne va pas assez loin : les propos sont vagues et prudents. Va-t-on réellement arriver un jour à un changement ? En outre, il y manque une parole sur la justice sociale. 
  • Il manque au projet une dimension essentielle qui fait partie de l’essence même de la doctrine de l’Église en matière d’enseignement social et qui est, plus que jamais, prioritaire. Les chrétien.ne.s doivent témoigner de leur foi dans le monde en étant à l’écoute des plus pauvres et des exclus. S’attaquer résolument aux causes de la pauvreté et de l’exclusion est un devoir absolu pour l’Église. De nombreux membres dont la CSC estiment qu’une réflexion sur la justice sociale accompagnée de propositions d’actions concrètes est un devoir absolu pour l’Église.
  • Le texte a un ‘côté flou’ inhérent à une démarche en construction. En même temps, il a de l’audace car le risque d’échouer existe. Ceci donne un souffle, un discernement à saisir, c’est l’œuvre de l’Esprit-Saint. Ajoutons encore ce qui manque : alors que la crise climatique se déploie, Dieu nous appelle à prendre soin de ‘notre maison commune’. Cela signifie aussi que nous devons nous ouvrir à une conversion écologique. Nos communautés doivent réfléchir et agir pour résoudre les causes structurelles des problèmes écologiques en ne laissant personne derrière nous.    
  • Le texte est ouvert aux évolutions de la société mais il est aussi assez ‘autocentré’. La Commission théologique (CT) de Entraide et Fraternité/Action Vivre Ensemble comprend la nécessité de tenir compte de la diversité au sein de l’Église. Toutes les régions du monde ‘n’avancent’ pas au même rythme. La CT pointe certaines grandes thématiques essentielles manquantes : la pauvreté et l’exclusion ; les questions cruciales concernant l’écologie et la sauvegarde de la terre ; les solidarités nécessaires à une proclamation cohérente de l’Évangile ; les questions contemporaines autour de l’éthique et de la bioéthique –éthique morale et sexuelle- cf. bénédiction des couples irréguliers.  
  • Un grand contentement se fait entendre de voir les évêques s’intéresser à ce que les gens pensent et vivent : le ‘Projet de texte’ des évêques présente une approche réfléchie et progressive sur des sujets cruciaux pour l’avenir de l’Église dans un contexte moderne. Les thèmes abordés sont d’une pertinence indéniable pour l’Église contemporaine et montrent une volonté d’adapter la mission de l’Église aux défis actuels sans renoncer à ses principes fondamentaux. Les sujets évoqués sont essentiels pour une institution cherchant à rester significative et influente dans un monde qui évolue rapidement. Toutefois, le texte, qui propose des approches pragmatiques et réfléchies pour aborder les défis identifiés, semble cependant manquer de concret dans l’articulation des différentes étapes pour y parvenir. 
  • Le texte nous montre une démarche d’humilité de la part de l’Église. Ce qui peut y apparaître parfois peu concret nous offre cependant une forme de liberté dans le dialogue. Ce texte pourrait-il, dans ses préoccupations, ajouter un surcroît de légitimité à l’enseignement, en contexte scolaire, de la religion et des faits religieux dans leur ensemble ?
  • Un regret demeure : le texte n’offre pas vraiment de perspective pour l’ensemble de la jeunesse dans la mesure où l’éducation des jeunes n’y est pas abordée directement. 

A.- Trois priorités théologiques pour le prochain Synode.

En vue d’une consultation limitée pour préparer la prochaine session du Synode, les évêques ont proposé trois priorités à discuter au niveau de l’Église universelle. De nombreux éléments du rapport de synthèse de l’Église belge (2022) ont été débattus à Rome en octobre dernier. Dans la richesse du rapport de synthèse d’octobre 2023, nous nous retrouvons fortement sur de nombreux points. Dans ce qui suit, nous formulons trois priorités qui méritent une attention particulière lors de la réunion du Synode d’octobre 2024.

1.- L’Église en dialogue avec le monde.

Le désir d’une Église plus missionnaire qui vit et partage la joie de l’Évangile se heurte de plein fouet, dans notre contexte, à la question de savoir comment développer une nouvelle dynamique missionnaire. Quelle approche, quel ancrage spirituel, quelle formation sont nécessaires ? Dans le cadre de cette quête générale, nous nous concentrons ici sur un élément essentiel pour nous. 

Une Église synodale missionnaire exige un dialogue ouvert qui tienne compte des développements actuels dans le monde qui nous entoure. L’Église ne peut se contenter d’une voie à sens unique pour proclamer la Bonne Nouvelle au monde. 

Dans un dialogue ouvert, l’Église écoutera aussi ce que l’évolution des sciences, de la culture et de la société peut lui apprendre.

Cette ouverture ne peut être rejetée comme une « volonté de s’adapter au monde moderne » ou comme un « renoncement à l’identité pour devenir pertinent aux yeux du monde ». Le dialogue ouvert avec le monde est nécessaire à partir de la conviction profonde que l’Esprit de Dieu y est mystérieusement à l’œuvre.

Dans une telle discussion, l’Église peut aussi apprendre des choses. Les évolutions sociétales (en matière de droits de l’homme, de démocratie et de libertés modernes par exemple) incitent également l’Église à revoir et/ou à enrichir certaines de ses positions.

Une conversation ouverte et respectueuse avec le monde contemporain offre à l’Église des opportunités de remettre en question et de renouveler sa propre compréhension de la Bonne Nouvelle.

Nous demandons que la culture synodale de la conversation soit également utilisée pour engager l’Église dans un dialogue avec les développements actuels du monde qui nous entoure. Cela nous aidera à mieux comprendre les signes des temps à la lumière de l’Évangile.

 2.- ‘En conversation’ pour une Tradition dynamique.

Dans le cadre du dialogue entre Église et monde, l’Église devrait avoir le courage de mettre sa Tradition/ses traditions en conversation avec les connaissances actuelles de la recherche théologique, philosophique et scientifique. La Tradition/les traditions ne doivent pas être abordées de manière statique mais dynamique. Après tout, elles sont le fruit de nombreux développements et continuent d’évoluer.

La question centrale dans tout cela est la suivante : la tradition/les traditions de l’Église représentent-elles la meilleure interprétation possible des Écritures pour les peuples d’aujourd’hui ? Quelle image de l’homme, de Dieu et du monde se dégage de la lecture des Écritures en conversation avec la théologie, la philosophie et les sciences contemporaines ?

Cette réflexion est primordiale pour la compréhension de l’anthropologie chrétienne biblique et de la doctrine du salut. Elle peut également avoir des implications importantes pour répondre à de nombreuses questions éthiques.

Nous ne demandons pas que cette réflexion soit approfondie pendant le synode. Nous demandons que le synode décrive la Tradition/les traditions de notre Église comme étant dynamiques et en développement constant. Nous aimerions voir grandir une décision selon laquelle une conversation ouverte avec les développements de la théologie, de la philosophie et des sciences est nécessaire et devrait être organisée.

3.- L’unité dans la diversité.

Le dialogue avec le monde (1) et la conversation entre la Tradition/les traditions de l’Église et la théologie, la philosophie et les sciences (2) peuvent-ils encore être identiques en tout pour la totalité de l’Église universelle ?

Le thème de « l’unité dans la diversité » dans la vie de l’Église doit faire l’objet d’une réflexion et d’une clarification plus approfondies. Qu’exige un consensus universel durable ou croissant dans la communauté catholique ? Concrètement, qu’est-ce qui peut être décidé par un évêque, une conférence des évêques ou une assemblée continentale des évêques ?

Un fonctionnement plus synodal, avec une implication croissante de nombreuses personnes dans les délibérations et les prises de décision, exige une plus grande reconnaissance de la diversité légitime.

Lorsque les évêques (assemblées) se voient confier davantage de responsabilités dans certains domaines, il est également nécessaire de déterminer comment et devant qui ils doivent rendre compte de leurs politiques. Comment cela peut-il se concrétiser ? Outre la relation des évêques avec le métropolite et l’évêque de Rome, on pourrait également envisager des entretiens de fonctionnement et d’évaluation avec les évêques. Qui mènerait ces entretiens avec eux ? Comment un évêque (ou une assemblée d’évêques) peut-il rendre compte de son travail auprès du presbytère et du peuple de Dieu ?

Nous demandons que se concrétise la décentralisation de certaines décisions dans l’Église qui permette une coopération dans l’unité avec une diversité plus légitime. Nous demandons que se concrétise la « responsabilité » des évêques dans une Église synodale.

De manière générale, nous demandons que des propositions de texte sur les priorités susmentionnées soient présentées au prochain Synode d’octobre en vue d’une réflexion et d’une discussion argumentées.

B.- Trois thèmes pastoraux.

L’importance des priorités citées ci-dessus se traduit plus concrètement par trois thèmes qui sont fortement ressentis dans l’Église belge. Nous décrivons ces thèmes en relation avec les priorités susmentionnées.

1.- La place des femmes dans l’Église

  • Qu’enseigne notre société ? L’égalité des sexes, l’importance de l’égalité des chances pour les hommes et les femmes. Ce ne sont pas des tendances à la mode. Ce sont des développements qui renforcent la compréhension du Nouveau Testament de l’égalité des hommes et des femmes en Christ.
  • À la lumière de ces évolutions sociétales, nous relisons et renouvelons la Tradition/les traditions de notre Église. De plus en plus de femmes assument des responsabilités pastorales, y compris dans le cadre d’un ministère ecclésial reconnu (ministère). La question se pose de savoir si les femmes peuvent également être admises au ministère ordonné du diaconat.
  • Nous demandons le feu vert pour que les conférences épiscopales ou les assemblées épiscopales continentales puissent prendre certaines mesures.  Ainsi, l’attribution d’une responsabilité pastorale croissante aux femmes et l’ordination diaconale des femmes ne doivent pas être universellement obligatoires ou interdites. 

2.- Place et signification du ministère ordonné dans une Église synodale.

  • Que nous enseignent notre époque et notre culture ? La responsabilité pastorale n’est plus assumée uniquement par des prêtres et des diacres. Notre société a beaucoup de mal à assurer la relève cléricale du ministère ordonné. Même l’obligation du célibat pour les prêtres et les diacres qui deviennent veufs soulève depuis longtemps de vifs questionnements.
  • À la lumière de ces évolutions, nous relisons et renouvelons notre Tradition/nos traditions d’Église. Nous ressentons la nécessité de redécouvrir la nature symbolique et sacramentelle du ministère ordonné. La relation entre le sacrement de l’ordination et la responsabilité pastorale (finale) requiert de nouvelles précisions.  Nous demandons que les prêtres et les diacres assument de plus en plus de responsabilités pastorales au sein d’équipes dans lesquelles les laïcs ont aussi leur place et leur tâche. Nous voyons la nécessité de renouveler la formation des prêtres et des diacres pour qu’ils soient plus proches, plus à l’écoute et plus réceptifs sur le plan pastoral.
  • Nous demandons que chaque conférence des évêques ou assemblée épiscopale continentale puisse prendre certaines mesures en vue de l’ordination sacerdotale des « viri probati ». L’ordination sacerdotale des « viri probati » ne doit pas être universellement obligatoire ou interdite.   

3.- Les jeunes et la culture numérique

  • Que voyons-nous autour de nous ? Les jeunes générations ont du mal à se connecter à la vie de l’Église. Ces dernières années, leur univers et la culture numérique se sont énormément développés, en particulier chez les jeunes. Cette nouvelle culture comporte des dangers et des limites, mais elle offre également de nombreuses opportunités pour annoncer la Bonne Nouvelle.
  • Cette évolution nous incite à revoir et à renouveler la Tradition/les traditions de notre Église. Nous cherchons de nouvelles voies pour avancer avec des jeunes qui cherchent et qui croient. Nous sommes de plus en plus conscients que le numérique constitue un tournant comparable à celui que nous avons connu avec l’essor de l’imprimerie. Nous cherchons à investir davantage dans les personnes et les ressources qui témoignent de l’Évangile dans et à travers le monde numérique.
  • Nous appelons à une forte solidarité (personnes, ressources, échange d’initiatives novatrices, etc.) entre les conférences des évêques et les assemblées épiscopales continentales afin que chaque Église locale bénéficie des opportunités nécessaires pour être présente dans le monde numérique.
Catégories : Prises de parole