Le 28 septembre 2019, le Conseil Interdiocésain des Laïcs invitait Philippe Defeyt pour profiter de l’éclairage d’un économiste dans le cadre du thème de l’année ‘Questions économiques et financières‘.

Nous proposons ci -après un résumé de son intervention.

De prime abord, Philippe Defeyt souligne la différence entre les inégalités et injustices : selon les situations, les inégalités sont nombreuses (par exemple, nous ne sommes pas égaux dans la course à pied); l’injustice a lieu quand des inégalités entament le devenir d’une personne

Il existe également une différence entre le concept d’inégalité et de pauvreté : II peut y avoir beaucoup d’inégalités et pas de pauvreté et vice-versa. Au début du 19ème siècle, il existait de grandes inégalités et grandes pauvretés.

Après la guerre : la sécurité sociale va contribuer à atténuer les inégalités.

Depuis quelques années, une partie des avancées sont rognées. Par ailleurs, les publics pauvres ont  évolué  : la pauvreté recule dans la catégorie des personnes âgées, elle augmente dans d’autres publics. La manière dont on en parle est toujours un choix politique. Pourquoi est-ce le critère monétaire qui accapare le débat ? On peut augmenter le revenu  (ce qui est nécessaire) mais tout le  reste n’est pas réglé pour autant. Pourquoi ne pas parler de solitude, de perte de sens, … ?

Il existe 2 types d’indicateurs de la pauvreté :
1) On choisit un seuil objectif, quantifiable. Aux USA, le seuil de pauvreté correspond à ce dont un ménage a besoin pour manger, multiplié par trois. En Europe, on utilise un seuil relatif. On prend 60 % du revenu médian et ceux en-dessous sont pauvres (1200 €/mois pour pers. seule). La plupart des personnes au minimex sont en-dessous.
Au niveau mondial, le seuil est fixé à 2 $ par jour et par personne. A partir de ce critère, le nombre de personnes pauvres est en diminution.

Il y a une forme de convergence en Europe pour estimer à 15 % le nombre de personnes pauvres (même chose aux USA, même si le concept est différent).
Cet indicateur n’est pas toutefois pas un indicateur de pauvreté. Par exemple, si une personne gagne 1200€/mois et qu’elle a hérité de son logement, elle est moins pauvre qu’une personne qui aurait 1300 €/mois et qui paie un loyer de 600 €/mois.
Donc, cet indicateur n’est pas  valable.

2) Pour l’analyse, on prend des indicateurs objectifs (revenus), mais il y a aussi des indicateurs subjectifs (comment les gens vivent leur situation ?).
La pauvreté est un état qui peut être chronique ou récurrent. De quoi est-on privé ? de certaines ressources ? (dé privatisation). On est privé de choses dans une société donnée, dans une culture donnée. Ex. : ne pas avoir de voiture dans un pays qui n’a pas de route : pas de problème ; mais si c’est indispensable pour beaucoup de choses, c’est différent.
Nécessité « d’une vie juste et bonne pour se réaliser » c’est très variable d’une personne à l’autre (seule, monoparentale, …)
L’exclusion sociale, c’est l’impossibilité de participer à la vie sociale. Ex ; un jeune animateur sportif qui ne sait pas payer son verre après l’activité alors que tout le monde prend un verre.

Quels sont les besoins humains fondamentaux ? (d’après le sociologue chilien Antonio Elizalde )
-la subsistance
-la protection
-l’affection
-la compréhension du monde
-la participation (loisirs, repos, …)
-la création
-l’identité
-la liberté
-l’autonomie 

Pour chacun de ces besoins ; nous pouvons être en situation de pauvreté : ex. chômeur (peu de participation), illettré (peu de compréhension), …
Besoin d’éducation, d’emploi, de temps libre, de participer, …ex. est-ce que les pauvres ont besoin de vacances ? (sortir de son quotidien, …) ; est-ce qu’une personne âgée a besoin de participation dans une maison de repos ?
L’approche naïve serait de dire : « on est tous pauvre quelque part ».
Or, dans les faits, il y a des gens qui cumulent des situations de pauvreté.

Conclusions

On a besoin d’autres indicateurs et pas seulement d’une liste. Il faut trouver « le fil rouge » en ayant bien conscience qu’il n’y a rien de parfait. Il existe une véritable nécessité d’une vision profonde sans tomber dans la caricature. Des personnes démarrent dans la vie avec un cumul de difficultés.

Questions en suspens

1. En matière de pauvreté et d’inégalité : comment tient-on compte de la taille du ménage ? (1  célibataire, 1 couple … et l’arrivée d’un enfant)
2. Dans notre société, sommes-nous libres de nous organiser comme nous le voulons ?  
    (quand deux riches se mettent en ménage : pas de problèmes. Si deux personnes ayant le CPAS se mettent ensemble, ils sont pénalisés !)
3. Au lieu de réfléchir en termes de revenus,  ne pouvons-nous pas réfléchir en termes de besoins ? (ce qui est contraire à la tradition en Belgique).
4. Comment résoudre l’inégalité de traitement entre pauvres (ex. 2 pauvres ont droit à un logement social : un en dispose, l’autre pas. Ex. 2 jeunes dépendent de CPAS différents. Ils demandent tous les deux à faire des études. Dans un CPAS, on le permet, dans l’autre pas.).

Lignes directrices…

  • Privilégier une approche large … mais tirer le fil rouge. Ne pas tout baser sur les revenus.
  • Individualiser les droits, … lutter contre les inégalités entre les pauvres, …
  • Lutter contre l’extraordinaire « éparpillement des aides » qui entretient la pauvreté.
  • Ce qui précède justifie un revenu de base.

Propos recueillis par Henri Roberti


Catégories : Echos